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25 avril 2014 5 25 /04 /avril /2014 13:50

Eric Legrand et Richie 02

 

Interview d'Éric Legrand réalisée par Jean-François Horvath

 

Il a été la voix de notre petit génie préféré, la voix de Richie Adler ! Il, c’est Éric Legrand un homme dont la voix vient régulièrement "chatouiller" nos oreilles tant au cinéma qu’à la télévision. J’ai le plaisir de partager avec vous l’interview qu’il m’a accordée.

Bonjour, monsieur Legrand, et encore merci d’avoir accepté mon interview. Voici donc quelques questions afin que nos lecteurs puissent mieux vous connaître.

JF: Comment êtes-vous arrivé dans l’univers du doublage ? *

EL: Je suis un comédien qui fait du doublage depuis maintenant de nombreuses années. J'ai suivi une formation somme toute assez classique : un an de cours privé avant d'être reçu au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique de Paris. Après quoi j'ai travaillé plus ou moins dans toutes les disciplines qui s'offrent aux comédiens (télévision, cinéma, théâtre, café-théâtre, radio, publicité, etc.). Le doublage, pour sa part, est littéralement venu me chercher. Et puis il m'a gardé... En effet, la vie a fait qu'au bout du compte c'est dans ce secteur que j'ai tracé mon sillon, sans l'avoir particulièrement recherché à l'origine.

JF : Selon vous, quelles sont les qualités essentielles pour faire carrière dans le doublage ?


EL: Bah… Si j'avais un mauvais esprit, je dirais qu'on peut faire carrière dans n'importe laquelle des activités qu'un comédien peut exercer sans avoir de qualités particulières autres que de l'entregent, des connaissances, de la famille, un grand capital de sympathie (vraie ou feinte) et savoir s'en servir, de l'arrivisme, des dents longues, peu de scrupules, de la chance… Et j'oublie certainement quelques autres de ces "qualités" qui n'ont rien à voir avec le talent et qui permettent de se faire une place (petite ou grande) en tant que comédien. Il y a des tas de gens talentueux qui, dans le doublage comme ailleurs, ne sont pas employés autant qu'ils le devraient à mon sens alors qu'on en voit travailler des tas d'autres beaucoup beaucoup beaucoup moins talentueux ! Et puis j'ajouterais  aussi que ce serait à mon sens une drôle d'idée que d'avoir envie de faire une carrière dans ce secteur…


Mais bon, je ne vais pas faire vilain garçon . Donc vous me demandez en somme quelles qualités il faut selon moi pour être un bon dans cette activité ? Eh bien du talent de comédien, d'abord, forcément ! Et puis, quoi… ? Bah, de l'oreille, de la finesse de perception, de la souplesse, avec la capacité d'adopter un rythme qui n'est pas celui qui serait celui qu'on aurait eu si on avait eu à interpréter le rôle soi-même devant la caméra. C’est-à-dire la capacité à la fois à se laisser vampiriser par quelqu'un d'autre et à entrer dans sa peau, puisque le doublage est le seul endroit où l'expression "entrer dans la peau de" est justifiée, étant donné qu'autrement (sur scène ou devant une caméra) c'est le personnage qu'on fait entrer dans sa propre peau, qu'on lui donne, n'est-ce pas !


Cela étant dit, prenons "Starsky et Hutch"… Les comédiens qui ont doublé cette série (je parle en tout cas de Jacques Balutin et Francis Lax qui, en français, ont donné leurs voix aux deux héros) ont tout repris à leur compte sans respecter l'original, et c'est cette trahison qui a été certainement à l'origine de l'impact qu'elle a eu chez nous. Elle n'aurait très probablement pas eu le même succès en France s'ils ne s'étaient pas autorisé cette infidélité. Ils ont donc eu raison, même si à mes yeux ils ont eu tort d'un point de vue strictement déontologique. Je crois toutefois que cela ne se fait plus aujourd'hui et ne pourrait plus se faire. La possibilité pour le public d'avoir accès facilement à la VO rend presque incontournable l'obligation de respecter celle-ci, je pense.
 
JF: Quelles sont (s’il y en a) les différences fondamentales entre le travail sur un film ou sur les planches et le doublage d’un film ?


EL: Le fait qu'on ne joue pas soi-même mais par l'intermédiaire d'un autre, pardi ! Et qu'on ne joue qu'avec sa voix même si les comédiens bougent devant la barre lorsqu'ils enregistrent et font parfois (souvent même) des gestes similaires à ceux des acteurs qu'ils doublent. Et puis le fait qu'on n'a donc rien à inventer mais simplement à recopier, en somme. Par conséquent on n'a pas à répéter en amont. C'est un travail de l'instant. On écoute et on regarde, on reçoit, on restitue. C’est-à-dire qu'au fond c'est un travail qui rend paresseux le comédien. Je trouve.

JF: Existe-t-il de grandes différences quand on double un dessin animé, une série ou un film ?


EL: On a plus de temps quand on fait un film, et on a généralement (mais pas toujours non plus) un meilleur texte français. Par ailleurs le travail sur un dessin animé permet souvent une plus grande liberté d'interprétation et inflige infiniment moins de contraintes au niveau du synchronisme. Quand il s'agit des dessins animés japonais, en tout cas. Et puis les dessins animés forcent en principe à jouer les choses un cran au-dessus de ce qu'on ferait avec un personnage en chair et en os tout en essayant de rester sincère. C'est un exercice assez particulier qui n'est pas aussi simple qu'il peut en avoir l'air.

JF: Avez-vous besoin de bien connaître la série ou le film que vous doublez pour vous imprégner de son ambiance ?


EL: Ben non. On n'en a même pas du tout besoin puisque, comme je l'ai dit plus haut, c'est le personnage qui est à l'écran qui nous dicte sur l'instant ce qu'on doit faire ! On peut travailler sur un rôle sans rien savoir de l'histoire, même s'il est préférable pour notre confort d'en connaître un minimum. Il suffit de comprendre ce que joue l'acteur qu'on doit doubler et de savoir pourquoi il est en train de faire ce qu'il fait afin d'avoir nos appuis intérieurs. Tout le reste n'a aucune importance.

JF: Vous avez également fait du théâtre et du cinéma, préférez-vous être sur les planches ou devant la caméra ?


EL: J'aime jouer, avant tout. A force de travailler devant un micro c'est là que je suis le plus chez moi, à présent, mais c'est au théâtre que je me sens le plus heureux. Parce qu'on y raconte une histoire qu'on prend au début et qu'on déroule dans l'ordre jusqu'à la fin sans être interrompu, et parce que le public pour lequel on le fait est devant nous. Une scène est un lieu magique, et une représentation est un moment de bonheur intense hors du temps. Le plaisir de tourner est incomparablement moindre pour moi. En tout cas extrêmement différent, d'une tout autre nature.


J'ai récemment lu que Kristin Scott-Thomas, une remarquable comédienne soit dit en passant, avait décidé d'arrêter le cinéma pour se consacrer uniquement au théâtre parce que, entre autres choses, elle ne pouvait plus "supporter d'être assise pendant des heures dans une grosse remorque de luxe, dans l'attente, en m'ennuyant."


Je n'ai jamais eu de remorque de luxe (j'y aurais d'ailleurs peut-être bien mieux supporté l'attente lorsqu'il m'est arrivé de tourner ! Surtout avec un gros chèque à la clé…) mais je la comprends très bien. Ce dont elle se fout éperdument, nous sommes d'accord. Mais bon, c'était pour répondre à la question. 

JF: Pour nous, fans de la série « Les Petits Génies », vous êtes avant tout la voix de Matthew Laborteaux alias Richie Adler, mais vous avez également été la voix de nombreux autres personnages. Auriez-vous un souvenir, une anecdote à propos de cette série, d’une autre série ou même d’un film en particulier ?


EL: Bah non… Mais le doublage est une activité peu propice aux "anecdotes", je pense. Quoi qu'il en soit je n'en ai aucune dans ma besace...

JF: Y a-t-il des doubleurs (RAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH) avec qui vous aimez particulièrement travailler ? (Je pense que je dois lire "comédiens" ? **)


En admettant que j'en aie, ce serait indélicat de ma part pour les autres de les citer !   Mettons que plus ça va et plus j'aime surtout travailler avec des gens avec lesquels je m'entends bien dans la vie. Et s'ils ont du talent, tant mieux. Mais la vie est trop courte pour se permettre de faire passer au premier plan dans le travail autre chose que le plaisir de l'instant et de la bonne humeur. Travailler sur des belles choses mais dans la douleur et/ou avec des gens désagréables qu'on n'aime pas ? Oh non ! J'ai fait, je n'ai plus envie de faire. On y perd son temps et son énergie, au bout du compte. Pour moi en tout cas. Je préfère un petit pique-nique sur le pouce avec 3 rondelles de saucisson mais en bonne compagnie plutôt qu'un dîner dans un grand restaurant avec des gens qui m'emmerdent.

Un très grand merci de m’avoir accordé un peu de votre temps. Et à bientôt, j’espère !


* Extrait du site d'Éric.


** Je tiens à vous dire, chers lecteurs, qu’Eric est un sacré personnage, qui a le contact facile et qui est toujours ouvert au dialogue, ce qui est sans doute un peu normal vu son métier  Mais retenez bien une chose que j’ai apprise grâce à lui, on ne doit pas parler de lui et de ses collègues en utilisant le terme « doubleur » (qu’il déteste !) mais bien celui de comédien. Chapeau bas, l’artiste !

Lien vers le site officiel d'Éric Legrand: http://ericlegrand.fr

 


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